Croire ou ne pas croire, là n’est pas la question

«Vous y croyez, vous, à Glozel ? » Voilà une question classique, la question type lorsque deux quidams en viennent à parler de la plus célèbre controverse archéologique qui ait jamais secoué la France. Et c’est bien là que se situe le problème numéro un de Glozel : loin d’être une simple énigme scientifique, c’est avant tout une question de croyance, avec tout ce que cela comporte de préjugés, de mauvaise foi et de passions diverses. Pire, il n’est pas question de rester neutre à propos de Glozel : ou bien l’on est pour, ou bien l’on est contre. De même qu’en politique, il faut être de gauche ou de droite sous peine de passer pour un mauvais citoyen je-m’en-foutiste, on doit être glozélien («glozélien » est l’expression consacrée et nous nous y tiendrons, mais il faudrait plutôt parler de «philoglozélien ») ou anti-glozélien. Et cela dure depuis près de 80 ans ; depuis ce jour de 1924 où un jeune cultivateur a découvert fortuitement dans son champ de mystérieux objets gravés de signes tout aussi mystérieux.

Au début — je parle des années 20 et 30 —, c’est vrai qu’il y avait de quoi se crêper le chignon, car Glozel remettait trop de théories en cause, bousculait trop durement les idées et les hommes qui les avaient énoncées. Des idées sur lesquelles s’appuyait leur carrière, leur renommée. Tout passe cependant, et les adversaires de la première génération ont fini par mourir de vieillesse, peut-être un peu aussi de rage et de dépit, qui sait ! Bref, des hommes nouveaux sont apparus sur la scène glozélienne, en principe moins partisans, plus objectifs. Et puis surtout, les techniques scientifiques ont progressé, et il est devenu possible d’étudier plus finement les objets, de les dater même. Des temps plus sereins s’annonçaient donc ? Pas du tout : contre toute vraisemblance, la même querelle partisane s’est poursuivie, avec d’autres arguments, d’autres données, d’autres conclusions. Mais sur le fond, c’était toujours le même schéma, et les mêmes altercations entre ceux qui croyaient, et ceux qui ne croyaient pas. Quant à l’origine de la moderne controverse, elle est double. Il y a d’abord la question scientifique. Quoique les données en aient évolué grâce aux techniques de recherche et d’analyse actuelles, Glozel reste toujours aussi incompréhensible que par le passé : c’est une énigme, non classable dans le cadre de nos connaissances, et il est inévitable que le monde scientifique soit divisé sur cette question. L’autre origine est de nature idéologique, car des sujets tels que Glozel ou l’Atlantide sont régulièrement récupérés par certains courants politiques, d’extrême-droite en l’occurrence pour ne pas les nommer. Pour de nombreux chefs de file de l’archéologie française, il paraît dès lors extrêmement dangereux de relancer l’étude du site, notamment en reprenant des fouilles officielles, car cela apporterait de l’eau au moulin de groupes politiques qui n’attendent que cela. Dans les sphères officielles, on freine donc des quatre fers pour enterrer l’affaire de Glozel.

Kadath a publié, en 1974, un premier dossier sur cette affaire : un numéro «spécial Glozel », réédité en 1981. Nous y avons clairement affirmé notre conviction de glozéliens, partisans d’un site unique en son genre, authentique, préhistorique, et d’un intérêt considérable dans la mesure où l’on y trouve une écriture inconnue, antérieure à toutes les autres. Nous avons ensuite approfondi la question dans un livre paru en 1978, avec les mêmes conclusions. Et les quelques articles parus dans Kadath, dans les années qui ont suivi, ont confirmé, si besoin était, notre position de défenseurs de Glozel. Aujourd’hui, après un long silence radio, j’estime qu’il faut reprendre tout le dossier, même si rien de définitif n’a encore été découvert. Un dossier éclairé par les résultats des analyses qui se sont peu à peu accumulés au fil des années. Pas plus que d’autres, je n’ai évidemment la prétention d’arriver à solutionner définitivement le cas Glozel — d’ailleurs, le sera-t-il jamais ? —, mais tout simplement de l’examiner à la lumière des éléments qui sont à notre disposition en ce début de XXIe siècle. Finalement, il s’agit seulement de tenter d’apporter une réponse à cette simple question : que peut dire aujourd’hui de Glozel celui qui, las des étiquettes de partisan ou d’adversaire, désire simplement y voir un peu plus clair ?

L’on pourrait croire que ceux qui s’intéressent de près ou de loin aux énigmes du passé connaissent l’histoire de Glozel par cœur ou presque. Au cours de conversations que je peux avoir sur le sujet, je m’aperçois pourtant que la plupart de mes interlocuteurs ignorent jusqu’au nom de Glozel. C’est la raison pour laquelle je crois utile de revenir, dans une première partie et avant de plonger au cœur du problème, sur l’historique de cette affaire. Pour ceux qui connaissent bien les tenants et aboutissants de la question, ce résumé constituera un petit rappel plus ou moins utile en fonction de leur mémoire ; pour les autres — et je pense en particulier aux plus jeunes lecteurs —, ce sera l’occasion d’un premier contact avec cette incroyable aventure qui propulsa un jeune paysan et un médecin de province au faîte d’une gloire dont ils se seraient sans doute bien passés. La deuxième partie analysera quant à elle les différentes données du problème, à la lumière des résultats actuellement disponibles.

Jacques Gossart


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